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Anou Grandi Il était une fois, « Anou Grandi » 01 avr. 2019
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Il y a vingt ans, Gina Poonoosamy lancait l’école Anou Grandi pour sa fille Amsi, pour qui il était devenu compliqué d’avoir une éducation adaptée à ses besoins spéciaux. L’école primaire privée du début change par la suite de structure pour adopter un statut associatif, afin de permettre à l’organisation de bénéficier de soutien notamment financier pour continuer à opérer.  

  • L’Ecole Anou Grandi fête ses 20 ans cette année.  Racontez-nous comment votre fille vous a inspiré la création de cette école spécialisée…
    Déjà à la crèche Bethléem, Amsi montrait des signes d’une difficulté d’adaptation et refusait de changer de classe ou de puéricultrice. Pendant son temps à la maternelle, avec l’aide d’une psychologue et d’une orthophoniste consultés dans le privé et après une visite dans un Centre spécialisé à l’Ile de la Réunion à la même époque, nous avions bien compris, mon mari et moi, qu’Amsi ne pourrait être admise à une école primaire dite « normale ». Elle nécessitait d’être prise en charge dans une école spécialisée, comprenant notamment des classes de 8 à 10 élèves maximum. Elle avait six ans quand elle a été inscrite dans une première École Spécialisée. Elle allait avoir neuf ans lorsqu’elle n’a plus voulu y aller !
    N’ayant pas d’options de poursuite scolaire pour elle, j’ai demandé à l’École maternelle de Bethléem de faire une évaluation d’Amsi, des notions qu’elle avait apprises jusqu’ici et de voir où elle en était. Entretemps, j’étais entrée dans une grande réflexion… Que faire ?

  • Et c’est là que l’histoire d’Anou Grandi débute ?
    « Mère Teresa commença son œuvre avec une malade » … Je me suis dit que je commencerai cette école avec une élève et ce sera Amsi ! J’en ai parlé à la Directrice de Bethléem, Mme. Sylvette Davy, qui m’a répondu que j’avais tout pour mettre en place cette école, et elle m’a encouragé à aller de l’avant.
    J’ai donc enregistré, au Ministère de l’Éducation, une école primaire privée pour les enfants ayant des difficultés d’apprentissage, qui travaillerait selon le même curriculum que l’école primaire publique.
    De là, les portes se sont ouvertes, la Provinciale des Sœurs du Bon et Perpétuel Secours a mis à ma disposition un petit bâtiment à l’entrée du Couvent de Bon Secours à la Rue Édith Cavell à Port Louis.
    La première institutrice, Séverine Daruty, à qui j’avais parlé auparavant, n’attendait que la confirmation. Une amie, Rajendree, a accepté de venir faire le nettoyage. Rama, mon mari, nous cherchait du financement et des donations. J’ai pris le poste de maîtresse d’école. L’école a démarré le lundi 14 janvier 1999 avec la première élève, Amsi Poonoosamy.

  • Quel a été votre parcours professionnel avant que vous ne vous lanciez dans cette aventure? Est-ce que c’était un secteur que vous connaissiez ?
    Dès l’âge de 18 ans, j’ai eu le goût du social et de l’ouverture sur la vie à travers une formation de l’Institut pour le Développement et le Progrès où je faisais du volontariat. Le secteur du handicap, je l’ai découvert à travers une amie, Francette Jeanne, qui m’a introduite à l’APEIM où j’ai été formée pour devenir éducatrice. Par la suite, j’ai fait du volontariat et j’ai été animatrice à temps partiel d’un groupe de jeunes porteurs de handicap dans la cour du Couvent de Bon Secours à Port Louis dans les années 77 à 79.  Et entretemps, j’ai eu tout un parcours professionnel dans l’administration Municipale : de Clerical Officer à Chief Public Relations & Welfare Officer. Aujourd’hui, je peux dire que tout cela m’a bien aidé à avancer avec la mise en place de l’école.

  • D’Amsi à tous les enfants aujourd’hui pris en charge à Anou Grandi, il y a eu plusieurs étapes dans l’évolution de l’école, ses priorités, sa vision… et l’an dernier une remise en question de la direction stratégique.  Sous quelles structures Anou Grandi se positionne-t-elle aujourd’hui ?
    L’école a commencé en 1999 et a amené l’Association en l’an 2000. Passer du statut d’ « École Primaire Privée » à « École Primaire Privée gérée par une Association » a été la solution pour continuer cette aventure car économiquement parlant, nous n’avions pas les moyens de continuer. Au début de l’Association en l’an 2000, nous étions 7 membres du Comité qui était surtout constitué de la famille et des proches.
    En juillet 2001, avec la reconnaissance officielle de l’Association Anou Grandi par le Registrar of Associations, les parents des enfants qui fréquentaient l’école ont été invités à rejoindre l’association et ils y sont toujours ! Le statut associatif a permis une plus grande facilité de dialogue et d’aide au niveau des Ministères concernés : ceux de l’Éducation, de la Sécurité Sociale, des Finances, de la Santé...
    Après 20 ans en tant qu’école et 18 ans en tant qu’Association, nous nous identifions aujourd’hui comme une INSTITUTION, avec 3 départements bien distincts : Un département « Pre- élémentaire » pour la préparation et l’apprentissage d’un premier niveau, un département « Primaire » avec le curriculum du Ministère de l’Education Nationale et un département pour « des jeunes adultes de 13 à 20 ans » avec un programme d’employabilité. Notre structure d’Autorité a changé. Nous étions sous l’autorité du département « Special Educational Needs » du Ministère de l’Education et aujourd’hui nous sommes sous la responsabilité du SENA – « Special Educational Needs Authority » -, dont la Loi a été votée en décembre 2018 au Parlement.

  • En tant que maman d’une enfant (aujourd’hui adulte) aux besoins spéciaux, quelles sont les décisions les plus difficiles que vous ayez eu à prendre pour votre fille?
    Pour moi ce qui a été plus difficile c’est d’accepter que ma fille soit tout autre. En 1995 on n’arrivait pas à comprendre ce qu’elle avait. L’orthophoniste m’avait expliqué avec réserves qu’il se pourrait qu’elle soit autiste mais ne pouvait le confirmer. « C’est quoi autiste ? »  J’ai fait des dépressions. J’ai eu recours à de l’aide d’amis réunionnais et là-bas on n’arrivait pas non plus à nous donner une réponse claire sur ce qu’elle avait.
    Mais j’ai eu la chance d’avoir des personnes formidables autour de moi qui m’ont m’aidé à voir qu’Amsi m’avait été donnée pour changer la vie des autres enfants.
    Amsi avait fini ses classes à Anou Grandi et elle fréquentait le Teresa Ball Centre, elle avait 16 ans, et c’est là, alors que nous étions en Suisse pour un bilan, que nous recevons les résultats et qu’un diagnostic officiel est posé : on nous dit qu’elle est autiste et que son comportement a beaucoup évolué grâce à ce que l’École Anou Grandi avait mis en place pour elle.
    Mais aujourd’hui après 20 ans, je peux dire que la plus grosse décision a été celle de commencer l’École Anou Grandi. Car Amsi n’a pas changé seulement la vie des enfants, elle a aussi changé la nôtre !

  • On peut imaginer que les autres parents regroupés sous Anou Grandi et vivant les mêmes défis que les vôtres, vous inspirent également de nouvelles actions et des remises en question constantes qui ont aidé à construire l’association telle qu’elle est aujourd’hui?
    Tout au long de ces 20 ans, Anou Grandi n’a cessé de se réinventer avec les parents pour accueillir chaque enfant : nous avons mis en place la formation du personnel pour l’accompagnement et l’éducation de l’ enfant avec un handicap, transformé structurellement l’école pour accueillir les enfants avec un handicap physique, ajouté au curriculum de l’école des activités extra-curricula telles que la natation, la musique, la danse, le théâtre, le crochet, la sculpture, le jardinage et la cuisine pour stimuler les autres sources d’intelligence chez l’enfant ( il y en a au moins 7), mis en place une équipe médicale et paramédicale comprenant médecin, orthophoniste, ergothérapeute…, créé une cuisine pour que l’enfant ait chaque jour un repas chaud qu’il partagerait à table avec les autres enfants et l’institutrice dans un soucis de socialisation,  introduit l’examen du CPE et maintenant le PSAC, rencontré les parents à chaque trimestre pour un vivre-ensemble et organisé l’assemblée générale de l’Association pour un exercice de communication du bilan annuel. C’est avec les parents que nous avons évolué pour le bien-être des enfants et de la famille et pour une intégration dans notre société.

  • A quels défis vous faites aujourd’hui face ?
    En 20 ans, l’école et l’association ont grandi parce que nous avions tout pour grandir : un personnel dévoué, des parents attentifs et reconnaissants pour le développement de leurs enfants, un soutien financier conséquent de la part de l’Etat et ceux qui croient dans cette mission, un soutien logistique (maisons mises à notre disposition par le groupe Mon Loisir pour une somme minime), des donations. La transparence que nous prônons au sein de l’Association fait que notre travail d’équipe rejaillit sur l’image de l’Ecole.
    Je souhaite que sous le SENA, le Ministère de l’Éducation investisse plus intensément dans le secteur…
    La Convention des droits pour les personnes avec un handicap vient nous rappeler qu’avant tout, nous sommes face à des êtres humains qui ont les mêmes droits et devoirs que tout autre !  Le droit à l’éducation gratuite à Maurice devrait englober aussi le secteur spécialisé. Ces enfants et jeunes ont droit à une école appropriée avec le soutien des professionnels qualifiés : médecins, psychologues, orthophonistes, ergothérapeutes et autres.

  • Tout ceci nécessite des fonds qui peinent à venir ?
    Aujourd’hui nous galérons financièrement pour rouler notre école car nous n’avons plus le même montant d’aide du Corporate Social Responsibility (CSR) comme dans les années 2010. Le trou que laisse le manque de fonds CSR nous force à nous repenser constamment pour trouver de nouvelles sources de financement. Nous espérons que le SENA entendra nos cris. L’école devenue une INSTITUTION nous coûte près de Rs 8 millions en 2019. Nous voudrions dire au Gouvernement et au NCSR Foundation : « Nos enfants et jeunes ont besoin d’une aide professionnelle, développez le secteur. » Nous remercions ceux qui nous soutiennent et comprennent notre mission. 

Pour contacter Anou Grandi : 412-6778 ou par email sur association.anougrandi@gmail.com.
Profil ACTogether : http://www.actogether.mu/fr/trouver-une-ong/anou-grandi

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