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Caritas Ile Maurice « Beaucoup de choses dépendent de décisions politiques fortes » 25 juil. 2015
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- Après 50 ans, le souhait de Caritas Ile Maurice, n’est-ce pas de ne plus exister, ce qui signifierait que la misère a été éradiquée ?

Patricia Adèle Félicité : Actuellement nous n'en sommes pas là. Des familles viennent toujours vers nous pour l'aide alimentaire et le secours d'urgence. La problématique du logement décent pour tous nous mobilise, avec toujours autant de familles qui ne vivent pas décemment. L'appauvrissement de la classe moyenne est également source de préoccupation...

De plus, les missions de Caritas évoluent avec le temps, ce qui explique qu'elles auront toujours leur raison d'être. Dans le parcours de Caritas, les services ont évolué en parallèle du développement du pays. Par exemple, dans les années 1980, Caritas souhaitait que les pauvres ne ratent pas le train du développement par manque de formation, alors nous avons lancé les cours d'alphabétisation pour adultes, par exemple. Il y a 30 ans de cela, Caritas se concentrait notamment sur les recalés du CPE. Aujourd'hui, nous cherchons à agir en amont avec nos 15 centres d'éveil, pour préparer les tout-petits et qu'ils aient un bon bagage avant la maternelle. Et nous cheminons auprès des familles, avec des aides pour les jeunes qui entrent à l'université...

- Le nombre de poches de pauvreté prises en compte par l'Etat a diminué pour passer de 229 à 38, mais sur le terrain, constatez-vous que la situation s'améliore ?

Les poches de pauvreté citées dans le plan Marshall ne sont qu'indicatives. Je dirais que le nombre de poches de pauvreté n'a pas diminué, mais heureusement leur taille s'est réduite. Quand j'ai commencé à travailler à Roche-Bois, toute la zone était une poche de pauvreté, aujourd'hui, la pauvreté est concentrée sur 2 à 3 quartiers. Mais les priorités restent les mêmes : accès à un logement décent, à un revenu décent et à l’éducation.

- Une des clés n'est-elle pas aussi une meilleure prise en charge des patients souffrant d'addiction, car la drogue et l'alcool appauvrissent les familles ?

Ce que nous constatons sur le terrain, c'est que personne ne se jette volontairement dans les substances. L'addiction est une fuite pour des personnes qui manquent de moyen pour vivre décemment. La stigmatisation, l'exclusion sociale, la culpabilité de ne pas pouvoir donner ce qu'il faut à sa famille... c'est-ce cercle vicieux, qui emporte les gens dans la dépendance et les y maintient.

- A quelle échéance, pourrait-on envisager l'éradication de la pauvreté à Maurice ?

A l'époque de la grande phase d'industrialisation, plusieurs secteurs étaient sur le "good track", on recevait des signes encourageants. Si le programme de logement avait poursuivi sur sa lancée, avec la construction régulière de nouveaux logements, le pays aurait pu faire mieux, beaucoup mieux. Beaucoup de choses dépendent de décisions politiques fortes, qu’on continue à attendre. Prenez le CPE, 35% des enfants continuent à être fortement pénalisés à cet examen. Concernant la cherté de la vie, statu co... toujours pas de revenu minimal. Or, c’est bien la combinaison de décisions politiques qui pourrait déboucher sur un plan crédible sur 5, 10 ou 25 ans. Mais n'oublions pas que Maurice n'est pas le seul pays à être confronté aux mêmes difficultés. Beaucoup de pays sont loin du compte concernant les Objectifs du Millénaire à atteindre pour fin 2015. Caritas Internationale, elle, cible l'éradication de la faim dans le monde d'ici fin 2025. Des familles nous confient qu'une tasse de thé constitue leur seul dîner... A Maurice, on ne meurt plus de faim, mais nombre d'enfants et d'adultes sont sous ou mal nourris.

Quand on compare Maurice aux pays d'Afrique, nous sommes sur la bonne voie. La société civile est engagée, fait preuve d'une expertise valable. Ce qu'il manque encore c'est davantage de synergie entre les programmes. Travailler chacun dans son coin, ce n’est pas optimiser nos forces. Aussi, Monseigneur Piat avait coutume de dire : "Manque 5 sous pour faire une roupie" pour décrire tous les services auxquels les pauvres ne sont pas éligibles. Notre mission c'est justement de leur donner ce qui manque pour qu'ils soient éligibles au logement, à l'écolage, au prêt... Notre rôle c’est donc aussi de travailler avec les autorités pour que les services offerts rejoignent les besoins du terrain des laissés-pour-compte.

- La prise en charge des besoins d'une famille n'est pas seulement matérielle, d'où l'importance de vos 42 centres d'écoute et de développement ?

Tout à fait, la force de Caritas c'est l'approche de développement intégré et intégral. Nous prenons en compte les besoins de chaque membre de la cellule familiale, selon la pyramide de Maslow. Nous avançons au rythme de chacun peu importe le niveau où il se trouve. A Caritas, l'écoute et l'accompagnement reposent sur un grand réseau de bénévoles et sur la formation de leaders dans la communauté même. Le pauvre devient alors acteur de son propre développement et de celui de son quartier. Nous n'intervenons que comme facilitateur pour la mise en route, c'est pourquoi ce modèle est facilement réplicable. J'en profite donc pour lancer aussi un appel aux entreprises qui veulent aider un quartier et aux volontaires qui ont cette fibre sociale en eux. La solidarité, c'est ouvrir les yeux, poser un regard sur nos voisins, au lieu de se concentrer sur le trajet entre chez soi, le bureau et le shopping centre...

- Et Caritas aide toute personne dans le besoin, indépendamment de sa foi religieuse...

Oui, la perception est là que Caritas aide les catholiques, mais ceux qui sont venus vers nous savent bien que nous soutenons des personnes de toute confession religieuse. Et ces bénéficiaires de différentes religions sont nos meilleurs ambassadeurs sur le terrain.

- Caritas c'est aussi la dimension internationale...

Dans la Confédération de Caritas comptant 168 membres à travers le monde, l'esprit qui prime c’est l'entraide. Nous avons déjà lancé des campagnes suite à des catastrophes naturelles, en Haïti, au Népal, à Madagascar... de la même façon que Suisse, France, Allemagne ont contribué à Caritas Ile Maurice, il y a quelques années. Et même dans les pays riches, Caritas existe toujours, par exemple en Italie, Caritas épaule actuellement les migrants... La solidarité n'aura jamais de fin, Caritas s'adaptera toujours à la réalité du jour.

Caritas en chiffres

  • 9335 bénéficiaires directs en 2014
  • 46 675 bénéficiaires indirects en 2014
  • 29 salariés
  • 101 volontaires dédommagés
  • 733 bénévoles
  • Rs 33 millions de budget annuel
  • 15 centres d'éveil
  • 42 centres d'écoute
  • 64 centres d'alphabétisation
  • 2 abris de nuit pour les sans-abri fonctionnant 365 jours par an (Port-Louis et Quatre-Bornes)
  • 2 fermes communautaires (Curepipe et Solitude)
  • 1 centre de formation à la pâtisserie (Pointe-aux-Piments)
  • 2 écoles de techniciennes de maison (Rivière Noire et Surinam)

Caritas Day le 2 août

Pour lancer les célébrations des 50 ans de Caritas qui s'échelonneront jusqu'en mars 2016, la grande famille de Caritas se réunira le dimanche 2 août, au Collège Saint Mary's de Rose-Hill. Plus de 5000 personnes sont conviées : bénévoles, bénéficiaires, partenaires... pour une journée placée sous le thème "Caritas c'est nous".
Un food court permettra de lever des fonds pour différents projets : service formation alphabétisation, le Centre of Learning de Barkly... Les ateliers de musique de Caritas et les jeunes de la Black River Dance Academy se produiront également sur scène. Et 7 ateliers régionaux mettront en avant la production des ex-bénéficiaires de Caritas devenus auto-entrepreneurs.

Renseignement au 212. 3405 / caritas@intnet.mu pour le détail des projets.

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